Et si la colère était (finalement) bonne conseillère ?
"La colère est une émotion très belle, très noble, et liée à la liberté, la justice, qui espère toujours un ordre meilleur" analyse la philosophe Sophie Galabru. Retour sur les bienfaits de la colère, mais aussi de l’histoire de son empêchement.
Pourquoi la colère a-t-elle si mauvaise presse dans notre société ? Avec son essai Le visage de nos colères, aux éditions Flammarion, Sophie Galabru nous emmène dans l’histoire de son empêchement. La philosophie dualiste d’inspiration cartésienne, mais aussi la morale judéo-chrétienne, ont contribué à brosser un portrait hideux de la colère, la reléguant tantôt dans le rang des passions irrationnelles, tantôt dans ceux de l’immoralité. "Dans le procès qui lui est infligé, la colère est associée à plein de choses : au sentiment de la haine (…), qui peut s’alimenter dans le désir de nier l’autre et de le détruire. Alors que la colère est une émotion qui est là pour corriger un déséquilibre perçu, une offense, une blessure", nous dit Sophie Galabru. Elle ajoute : "Ce n’est pas non plus le caprice infantile, l’hystérie, notamment féminine, ni un mouvement animal ou une pulsion irrationnelle, proche de la démence."
Son essai, aux confins de la philosophie, de la psychologie et de la politique, se structure comme une révolte aux injonctions pacificatrices que l’on entend trop souvent, celles de “pardonner”, “d’être bienveillant” à tout prix, notions notamment inculquées par la “cool attitude” dans le monde du travail. Ces discours qui étouffent la colère la confinent à la haine et au ressentiment.
La colère est une émotion pourtant saine, libératrice, essentielle dans la lutte contre sa propre intégrité et la défense de valeurs essentielles telles que la justice, l’équité, ou encore la liberté. Sophie Galabru veut alors réhabiliter la dimension dérangeante et contradictoire de la colère : son expression, dans sa dimension puissante voire véhémente, rend possible une véritable amitié, et par là toute démocratie. "La colère est un affect qui nous pousse à agir, à prendre des initiatives, intimement comme collectivement, et il faut qu’elle soit reliée à la joie, comme force d’initiative, de projet. La colère, dans le fond, est une émotion très belle, très noble, et liée à la liberté, la justice, qui espère toujours un ordre meilleur. Si elle reste connectée à cette joie, elle est à mon avis gagnante", affirme Sophie Galabru.
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