Don’t Look Up - Quand le cinéma alerte sur l’état de la planète
Dans “Don’t Look Up : Déni cosmique”, disponible dès ce 24 décembre, des experts (Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio) avertissent qu’une comète menace la Terre. Mais personne ne réagit… Ce film d’Adam McKay rappelle que le cinéma a souvent donné l’alerte quant à l’état de notre belle planète. Tour d’horizon.
Une énorme comète se dirige droit sur la Terre. À prévoir : tremblements de terre, tsunamis, disparition de l’espèce humaine. C’est en tout cas l’avertissement des deux scientifiques (Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio) de Don’t Look Up : Déni cosmique, le dernier film d’Adam McKay. Problème : personne ne les prend au sérieux… À la fois comédie, film catastrophe, film d’anticipation, voire drame intimiste par moments, Don’t Look Up brasse de nombreux genres cinématographiques pour lancer son message : « Ouvrez les yeux, il faut agir si l’on ne veut pas que la planète explose. » Passage en revue des façons pour le cinéma de lancer l’alerte… en vain ?
La comédie
Aborder un sujet aussi peu réjouissant que l’extinction de notre espèce sous l’angle de la comédie, c’est audacieux. Et donc, pas courant. Tim Burton l’avait fait en 1996. Dans Mars Attacks !, ce n’est pas une comète qui menace de tout faire exploser mais une bande de Martiens. Ce qui est presque la même chose : l’une et les autres n’ont strictement aucun sentiment. Ces deux films, mais aussi Docteur Folamour (1964), de Stanley Kubrick, ou le plus récent Idiocracy (2007), de Mike Judge, s’émeuvent de la bêtise des dirigeants politiques, moins intéressés par le bien commun que par le leur. La Meryl Streep de Don’t Look Up est une Trump au féminin, versatile, prête à tout envisager, y compris les grosses comètes, sous l’angle électoraliste.
La science-fiction
Nous nous sentirons encore un peu nauséeux en cette fin d’année. À cause d’un réveillon très festif… ou parce que nous allons aborder 2022. C’est-à-dire l’année où se déroule l’action de Soleil vert, l’adaptation du livre, en 1974, de Harry Harrison par Richard Fleischer. Dans ce 2022-là, le monde a épuisé les ressources naturelles, New York est surpeuplé, la température ne descend jamais au-dessous de 33 degrés. Pour faire un sans-faute, les auteurs auraient peut-être dû miser sur 2032. Mais leur sens de l’anticipation, convenons-en, est remarquable. Ils sont moins bons lanceurs d’alerte en -revanche : puisque pour avoir raison à ce point, il faut que personne ne les ait écoutés. Don’t Look Up, avec ses humains qui envisagent le gros caillou fonçant sur eux comme une richesse à exploiter, est plus près de la mé-taphore — Donald Trump s’étant montré plus soucieux de préserver l’économie que la santé des Américains en temps de Covid — que de la précision visionnaire d’un Soleil vert. Enfin, il faut l’espérer.
Le film catastrophe
Soleil vert est le produit des années 1970, une décennie qui a donné naissance aux préoccupations écologiques. Et a vu fleurir les « films catastrophes » (L’Aventure du Poséidon, La Tour infernale). Plus de vingt ans après, Roland Emmerich s’est évertué à synthétiser ces aspects dans de nombreux blockbusters : son truc, ce sont les films catastrophes à portée écolo (Godzilla, Le Jour d’après, 2012…). Il nous expliquait en 2019 : « Je crois que chaque film devrait exprimer une opinion, porter un regard sur le monde. Le jour d’après est sans doute mon film le plus politique : un véritable avertissement sur le dérèglement climatique. » Ces films-là sont des films « à message » surtout, très lisibles, très pesants, pas toujours convaincants (surtout si l’on commence à se poser des -questions sur le poids carbone du tournage). S’il y a une volonté démonstrative dans Don’t Look Up, elle est moins plate. Il sera intéressant d’observer comment les deux univers se percutent dans le prochain film d’Emmerich, Moonfall, où cette fois-ci la Lune approche (en salles le 9 février).
Le drame
Et si l’on mettait un peu de nuance ? Et si les films les plus convaincants étaient ceux qui semblent se dérouler dans notre monde ? Ils sont peu nombreux : The Truman Show (Peter Weir en 1999), Her (Spike Jonze en 2013), Contagion (Steven Soderbergh en 2011)… Ce dernier a connu un regain de popularité avec la crise du Covid, pour avoir si bien anticipé la situation. Le scénariste Scott Z. Burns pense même l’avoir sous-estimée. « Je n’aurais jamais pensé que l’une des variables serait un gouvernement qui ne croit pas en la science et qui ensuite désinforme la population », disait-il au magazine américain Vulture quand Trump gérait l’épidémie. C’est là que Don’t Look Up réussit son coup : le trait semble grossi, mais quand on y repense…
Le documentaire
En 2000, George W. Bush est élu président grâce à 537 voix d’avance sur Al Gore (dans l’État décisif de Floride). Privé de pouvoir mais soucieux d’alerter le monde sur le dérèglement climatique, Al Gore en est réduit à faire un documentaire, Une vérité qui dérange, en 2006. Avec quinze ans de recul, difficile d’en douter : pour agir sur le climat, mieux vaut être président que réalisateur. La cause climatique n’est pas devenue, pour ainsi dire, la priorité des Américains. Maintenant que la situation est dramatique, Adam McKay y va de son avertissement, mais en forme de métaphore : la maison brûle, c’est évident, ça crève les yeux, et ça crève tellement les yeux que l’on regarde -ailleurs. À noter que dans le genre du docu écolo, la France avait eu droit en 1999 à La Terre vue du ciel, avec les photos de Yann -Arthus Bertrand. L’idée était de dire « regardez, il faut préserver notre jolie planète ». Depuis, on est passé à « comment faire ? » — Demain (2018), de Cyril Dion et Mélanie Laurent, a cumulé plus d’un million d’entrées en salle. Le cinéma documentaire ne fait pas les lois mais alerte et sensibilise. Sans doute est-il pour quelque chose dans la prise de conscience écologique de ces dernières années.
Source : Michel Bezbakh, Télérama, 24 décembre 2021 : https://www.telerama.fr
Pour aller plus loin
Don't look up, ou le déni criminel des politiques : https://sognidimondi.blogspot.com/2022/01/dont-look-up-ou-le-deni-criminel-des.html
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